Déclarations de sénateurs — L'Ukraine--Les agissements de la Russie

Honorables sénateurs, voici une lettre à Igor Chouvalov :

Je vous écris en tant qu’ami et ancien collègue pour vous faire part de ma vive opposition aux actions offensives entreprises par les forces armées russes en Ukraine. Notre travail ensemble au milieu des années 2000 semble à des lieux de l’agression, de la violation du droit international et de la destruction dont l’Ukraine a été victime ces derniers jours. Je garde un excellent souvenir de votre travail en tant que représentant personnel du président et principal sherpa pour le sommet de 2006 à Saint-Pétersbourg. Nos visites dans diverses régions de la Russie et nos discussions sur les questions politiques et économiques importantes de l’époque ont été enrichies par vos perspectives et votre expérience.

Je me souviens très bien de ma visite dans votre bureau à l’époque. C’était le bureau de Léonid Brejnev, situé dans l’ancien bâtiment du Parti communiste soviétique. Vous aviez pris plaisir à me montrer les boutons électroniques sur le côté de votre bureau, un vestige de l’époque de Brejnev. Vous avez appuyé sur un bouton, et les rideaux du mur latéral se sont ouverts. Vous avez appuyé sur un autre bouton, et une carte de l’URSS s’est déroulée, ainsi qu’une autre carte indiquant l’emplacement des ogives nucléaires de l’époque. Puis, vous avez appuyé sur un troisième bouton, et une carte indiquant l’emplacement des troupes soviétiques stationnées sur le territoire visé par le Pacte de Varsovie s’est déroulée. Nous avons parlé du fait que l’époque de la guerre froide était révolue et nous nous sommes réjouis de la participation de la Russie au G-8 et à d’autres institutions multilatérales. Vous m’avez ensuite emmené au bout du couloir, à quelques pas de votre bureau, dans une grande salle de réunion lambrissée de chêne où se trouvait une table rectangulaire gigantesque pouvant accueillir plusieurs dizaines de fonctionnaires. En entrant, vous avez déclaré que c’était dans cette salle qu’avait été prise la décision fatidique d’envahir l’Afghanistan en décembre 1979. Une décision, nous en avons convenu, qui a largement contribué à l’effondrement de l’ancienne Union soviétique dix ans plus tard. L’occupation de ce pays a entraîné non seulement la perte de nombreuses vies, mais aussi des difficultés économiques qui ne pouvaient être ni justifiées ni soutenues. Nous avons également parlé de l’Ukraine. Je vous ai raconté que mes parents avaient quitté l’Ukraine en 1924 pour venir au Canada et que Staline s’était occupé des membres de ma famille restants. Vous avez parlé avec affection de l’Ukraine et dit que les Ukrainiens étaient vos « cousins ».

Igor, cela semble si loin aujourd’hui. L’ère d’espoir est révolue. Les tensions de la guerre froide sont de retour. L’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie est en cours. Je ne sais pas de quoi auront l’air les prochains jours, mais je sais qu’on ne fait pas subir une telle effusion de sang à des cousins.

Ce n’est pas le temps de débattre sur la façon dont nous en sommes arrivés à ce point. Il y aura un moment pour cela, et je suis certain que nous conviendrons tous deux qu’il y a eu des occasions ratées en ce qui a trait à la diplomatie.

Ce que je sais, toutefois, c’est que nos successeurs visiteront un jour le Kremlin, comme je l’ai fait en 2006, et seront emmenés à ce qui sera alors l’ancien bureau du président Poutine. On leur dira que c’est l’endroit où la décision fatidique d’envahir l’Ukraine a été prise, avec les terribles conséquences que cette décision aura eues. Ce jour n’est peut‑être pas près d’arriver, mais il arrivera assurément.

Bien que vous ne soyez plus premier vice-premier ministre, je sais que votre voix porte encore à ce jour, particulièrement en ce qui a trait aux enjeux économiques internationaux. Dans vos fonctions actuelles de président d’une société d’État pour le développement, je vous exhorte à élever votre voix pour mettre fin à cette invasion d’un pays souverain, en particulier un pays avec qui nous entretenons des relations familiales et historiques.

Nos enfants et petits-enfants méritent mieux.

Cordialement, Peter.

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