S-2 La Loi sur le Parlement du Canada - Deuxième lecture

Honorables sénateurs, je suis de retour, ou devrais-je plutôt dire, le projet de loi est de retour. Il y a quelques mois, j’ai pris la parole pour vous inciter à appuyer le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et apportant des modifications corrélative et connexes à d’autres lois, et je prends la parole de nouveau en cette nouvelle législature pour vous remémorer les détails de ce même projet de loi. En fait, j’ai eu envie de proposer, il y a quelques instants, que le projet de loi soit lu pour la cinquième fois, mais je ne voulais pas m’attirer la colère du Président. Le projet de loi se nomme maintenant le projet de loi S-2, et j’en propose la deuxième lecture.

Avant de poursuivre, j’aimerais reconnaître que nous sommes rassemblés sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. Je suis l’exemple de la gouverneure générale, qui a noté dans le récent discours du Trône que cette reconnaissance n’est pas une simple déclaration symbolique, mais qu’elle reflète véritablement notre histoire. J’estime qu’il n’y a pas de projet de loi qui revête plus d’importance que celui dont nous sommes saisis, puisqu’il porte sur la responsabilité du Parlement de suivre les conseils de la gouverneure générale.

D’entrée de jeu, je me permets de préciser que les mesures et les objectifs énoncés dans le projet de loi S-2 sont exactement les mêmes que ceux sur lesquels nous avons voté au printemps dernier. Comme vous le savez, le projet de loi n’a malheureusement pas été soumis au vote à l’autre endroit avant le déclenchement des dernières élections fédérales. Je reviendrai là-dessus vers la fin de mon intervention.

Pour le moment, j’aimerais souligner la nécessité de cette mesure législative et en exposer les détails, à la fois pour rafraîchir la mémoire de ceux d’entre nous qui ont participé au débat du printemps et pour mieux informer les nouveaux sénateurs récemment assermentés.

Comme je l’ai mentionné au printemps, cette mesure législative mettrait à jour la Loi sur le Parlement du Canada pour mieux tenir compte de la nouvelle réalité au Sénat. Les nouveaux venus parmi nous sont certainement au courant des modifications apportées au lendemain des élections de 2015; ce sont ces modifications qui ont créé le nouveau processus qui a encadré leur arrivée au Sénat. Quoi qu’il en soit, il est peut-être utile de répéter certains faits pour mettre les choses en contexte.

Après l’entrée en vigueur du nouveau processus indépendant de nomination des sénateurs, en 2016, plusieurs d’entre nous ont passé beaucoup de temps à chercher la façon la plus efficace de nous organiser pour nous acquitter de notre responsabilité qui est d’étudier les projets de loi et d’en faire un second examen objectif.

Pendant la même période, évidemment, d’autres sénateurs, dont plusieurs sont présents aujourd’hui, ont choisi de se joindre aux caucus des partis existants. Cette décision présentait des avantages organisationnels, bien sûr, en particulier la possibilité pour les recrues d’obtenir du soutien, mais aussi de structurer les débats au Sénat. Malgré tout, le système était en transformation et, personnellement, je peux dire que j’ai trouvé le travail d’organisation intimidant. Il n’y avait pas de mode d’emploi, mais les avis ne manquaient pas sur la meilleure façon de procéder.

Par exemple, certains proposaient que les sénateurs soient regroupés en caucus régionaux aux fins de la représentation au sein des comités et du partage des ressources. D’autres songeaient à la possibilité de former des groupes d’affinités en fonction des enjeux débattus.

Pendant que les universitaires et les spécialistes des politiques discutaient de ces questions, la nomination de nouveaux sénateurs se poursuivait à un rythme assez régulier. Une chose sur laquelle la plupart des gens s’entendent, c’est qu’il était impossible que les 105 sénateurs travaillent chacun en vase clos. Alors, à mesure que de nouveaux sénateurs étaient nommés, ils ont commencé à se réunir pour se soutenir et, éventuellement, ils ont formé différents groupes.

Même si nous y sommes souvent allés à tâtons depuis, et que c’est franchement toujours le cas, nous avons commencé à laisser notre marque sur cette institution. Les efforts que nous avons déployés — à coup d’essais et d’erreurs et avec beaucoup de bonne volonté — ont mené au Sénat d’aujourd’hui, une assemblée très différente formée de cinq groupes distincts, mais qui fonctionne toujours d’après un modèle conçu pour une époque bien différente.

Le projet de loi dont nous débattons actuellement aligne ces réalités sur de nouvelles mesures législatives qui cherchent à traiter tous les sénateurs équitablement et à donner à cette assemblée des pouvoirs consultatifs accrus.

Je dois admettre que tous les sénateurs ont reconnu que les choses changeaient et ont agi en conséquence. Tous les sénateurs, même ceux qui préféraient la division traditionnelle en deux partis, étaient prêts à adapter les règles et la procédure rigoureuses du Sénat pour arriver à une façon de faire plus moderne.

Le principe fondamental selon lequel tous les sénateurs sont égaux a mené à un examen réfléchi et à une modification des règles et des pratiques, afin que nos nouveaux collègues disposent de sièges dans les comités et que les divers caucus et groupes qui sont apparus au Sénat soient tous traités équitablement. Tout comme le projet de loi S-4 avant lui, le projet de loi S-2 viendrait inscrire dans la loi un grand nombre de pratiques et d’ordres sessionnels déjà instaurés par le Sénat.

Depuis 2016, 60 sénateurs ont été nommés dans le cadre du processus fondé sur le mérite d’un comité consultatif indépendant. De plus, depuis lors, trois groupes non partisans ont été formés au Sénat : le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe progressiste du Sénat.

À mesure que ces groupes ont vu le jour, le Sénat a modifié ses règles internes afin de leur faire une place, de leur accorder des fonds de recherche et de leur assigner un nombre de sièges au sein des divers comités proportionnel au nombre de sénateurs qui en font partie. En plus du caucus du Parti conservateur et du bureau du représentant du gouvernement au Sénat, le projet de loi S-2 tient compte du fait que de nombreux groupes composent désormais le Sénat et adapte la rémunération de ses dirigeants en conséquence, exactement comme le fait l’autre endroit.

Cette mesure législative permet également d’actualiser la loi afin qu’elle reflète la nature moins partisane du Sénat. Le premier ministre a en effet promis de modifier la Loi sur le Parlement du Canada lorsqu’il a annoncé la mise sur pied du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, en décembre 2015. La modification de la loi est l’aboutissement du processus qui s’est entamé avec la création de ce comité.

Avant de discuter du fond des modifications, je tiens à prendre un instant pour remercier et féliciter tous les sénateurs, les dirigeants et les facilitateurs, surtout les sénateurs Plett, Woo, Cordy et Tannas, dont l’esprit de coopération nous a permis d’en arriver à ce stade.

De nombreuses consultations auprès de tous les leaders avaient eu lieu avant la rédaction du projet de loi S-4, à la législature précédente. Nous avons écouté leurs points de vue, et la mesure législative proposée, à ce moment comme aujourd’hui, tient compte de ces discussions. Le gouvernement a convenu qu’il devait consulter ceux qui seraient le plus directement touchés par toute modification de la loi.

De façon générale, le projet de loi S-2 accorderait un statut officiel aux nouveaux groupes qui ont été formés. Il précise les rôles dans la gouvernance du Sénat et le processus de nomination. Il prévoit le versement aux leaders des groupes d’une indemnité proportionnelle au nombre de sièges occupés par leur groupe au Sénat. Plus précisément, le projet de loi S-2 ferait d’abord en sorte que le groupe le plus important — à part ceux du gouvernement et de l’opposition — recevrait des indemnités équivalentes à celles de l’opposition. Les deux groupes suivants dans l’ordre selon la taille recevraient des indemnités équivalant à environ la moitié de celles de l’opposition.

Les nouvelles indemnités entreraient en vigueur le 1er juillet 2022 et aideraient les partis ou les groupes reconnus à assumer leur rôle consistant à donner leur avis lors des seconds examens objectifs.

Deuxièmement, le projet de loi modifie la Loi sur le Parlement du Canada et apporte des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois qui autorisent le leader ou facilitateur de chacun des autres partis ou groupes parlementaires reconnus au Sénat à apporter des changements à la composition du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Cela confirmerait simplement la situation actuelle.

De même, le projet de loi prévoit que tous les leaders soient consultés au sujet de la nomination des mandataires du Parlement suivants : le conseiller sénatorial en éthique, le vérificateur général, le commissaire au lobbying, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à l’intégrité du secteur public, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire à l’information et le directeur parlementaire du budget. La contribution de tous les leaders est aussi exigée concernant la nomination de sénateurs au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. La nomination de ces mandataires est cruciale pour le fonctionnement du gouvernement et, par extrapolation, du pays.

Troisièmement, le projet de loi S-2 modifie la Loi sur les mesures d’urgence pour faire en sorte qu’au moins un sénateur de chaque groupe soit représenté dans tous les comités formés en vertu de cette loi. À l’heure actuelle, la Loi sur les mesures d’urgence exige qu’un comité d’examen parlementaire mixte de la Chambre et du Sénat soit mis sur pied pour examiner la façon dont le gouvernement a exercé ses pouvoirs après avoir déclaré une situation de crise. Sous le régime de la loi actuelle, le comité doit comprendre au moins un député de chaque parti reconnu à la Chambre des communes et au moins un sénateur de chaque parti représenté au Sénat. En reconnaissant officiellement le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe progressiste du Sénat et le Groupe des sénateurs canadiens, comme le propose le projet de loi S-2, on permettrait à chaque groupe d’obtenir un siège au sein de cet important comité.

Enfin, le projet de loi S-2 permettra d’ajouter les titres de représentant du gouvernement au Sénat, de coordonnateur législatif auprès du représentant du gouvernement au Sénat et d’agent de liaison du gouvernement, selon les besoins, pour refléter la structure actuelle du bureau du représentant du gouvernement. Encore une fois, cela confirme ce qui est déjà mis en pratique.

Le projet de loi S-2 prévoit également des indemnités pour cinq postes occupés par les représentants du gouvernement au Sénat et cinq postes occupés par l’opposition, ainsi que pour quatre postes occupés par les représentants de chacun des trois autres partis ou groupes qui comptent le plus grand nombre de sénateurs.

Puisque le projet de loi S-2 porte sur le cadre institutionnel et les processus organisationnels du Sénat, le gouvernement a déterminé, à juste titre selon moi, que les mesures proposées dans ce projet de loi devaient venir du Sénat et que les sénateurs devraient en discuter et en débattre en premier puisqu’ils sont les premiers concernés par ces modifications. Voilà pourquoi le projet de loi S-4 a d’abord été présenté au Sénat lors de la dernière législature.

En raison de la convention de longue date qui interdit au Sénat de dépenser des fonds publics, le projet de loi S-2 contient une disposition de non-affectation de crédits qui permettrait à ce projet de loi d’entrer en vigueur seulement une fois que les crédits ont été affectés par le Parlement, ce qui explique que nous devions adopter ce projet de loi pour ensuite le renvoyer à l’autre endroit afin de permettre à la Chambre appropriée de présenter le projet de loi nécessaire pour parachever les modifications. Ce processus dure depuis longtemps. Le Sénat a commencé à exiger de tels changements à la loi il y a plusieurs années. Je peux en témoigner personnellement, et j’ai dû encaisser quelques coups pendant ce processus. Il est dans l’intérêt de tous les sénateurs de faire avancer l’étude du projet de loi S-2 pour qu’il puisse être renvoyé à l’autre endroit dès que possible. Nous ne devons pas rater cette occasion.

Je m’en voudrais de ne pas saisir l’occasion de souligner le fait que nous nous retrouvons à étudier ce projet de loi, alors que nous l’avons déjà fait il y a quelques mois à peine. Nous l’avons étudié durant le dernier mois de la législature précédente, et nous revoici à l’étudier durant le premier mois de la nouvelle législature.

Le projet de loi S-4 initial exigeait un examen approfondi de même que des discussions, des consultations et des accommodements substantiels parmi les divers groupes qui composent le Sénat. Nous y sommes parvenus en grande partie et nous avons renvoyé le projet de loi S-4 à l’autre endroit. Nous avons maintenant l’occasion de le faire de nouveau avec le projet de loi S-2, et cette fois-ci, nous pouvons nous attendre à ce que la Loi sur le Parlement du Canada soit étudiée et mise aux voix à l’autre endroit, afin qu’elle reflète finalement la réalité du Sénat au XXIe siècle.

Il a fallu deux législatures pour présenter des modifications à la loi. Ces modifications sont le fruit des accommodements auxquels nous avons consenti au fil des ans. Après avoir travaillé si fort et fait preuve de diligence raisonnable, j’ai été déçu que le projet de loi ne soit pas présenté à l’autre endroit, à l’instar, je le présume, de nombreux autres sénateurs.

Je me réjouis à l’idée d’un examen respectueux de cette mesure législative à l’autre endroit, tout comme je sais que les projets de loi qui proviennent de l’autre endroit sont traités avec attention et respect au Sénat.

Cependant, chers collègues, le projet de loi S-2 est une mesure législative pleine d’égards. Il vise à assurer le traitement égal de tous les leaders et renforce l’équité accordée à tous les groupes en matière de consultation, notion qui existe déjà en pratique, mais qui n’est pas inscrite dans la loi.

On peut considérer que le projet de loi S-2 reflète l’évolution du Sénat. Il n’a pas besoin d’être révolutionnaire pour répondre à nos besoins. Le gouvernement n’impose pas des modifications dans le cadre de ce projet de loi. Le projet de loi S-2 peut être décrit comme permissif, et non prescriptif, ce qui est incidemment conforme à la façon dont nous menons la majorité de nos travaux.

Enfin, le projet de loi S-2 ne vise aucunement à mettre le point final à la réforme et à la modernisation du Sénat. Toutefois, il apporte les modifications législatives dont nous avons besoin pour poursuivre l’examen d’autres pratiques relevant de la compétence du Sénat qui favoriseront davantage la modernisation. Ce projet de loi reflète ce que nous sommes et il n’exclut pas d’autres changements visant à refléter ce que les Canadiens veulent que le Sénat soit à l’avenir. Merci.

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