S-4 La Loi sur le Parlement du Canada

Honorables sénateurs, j’aimerais vous rappeler qu’avant la rédaction du projet de loi S-4, des consultations intensives ont été tenues auprès de tous les leaders. Les points de vue ont été entendus, et le projet de loi dont nous sommes saisis reflète en grande partie ce qui a été exprimé. Le gouvernement a reconnu qu’il avait la responsabilité de consulter ceux qui seraient le plus touchés par une quelconque modification de la loi. Le projet de loi vise à faire en sorte que la Loi sur le Parlement du Canada, qui régit les principaux aspects du fonctionnement du Sénat, autorise l’organisation actuelle du Sénat. Le projet de loi S-4 étend la reconnaissance officielle aux nouveaux groupes qui se sont formés. Il précise les rôles dans la gouvernance du Sénat et le processus de nomination à certains postes au Parlement. Il prévoit le versement d’une indemnité aux leaders des groupes qui est proportionnelle au nombre de sièges occupés par le groupe au Sénat.

Les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada et à d’autres lois misent sur ces mesures et sont essentielles pour refléter la réalité du fonctionnement actuel du Sénat.

Premièrement, le projet de loi S-4 ferait en sorte que le plus gros groupe — à part celui du gouvernement et de l’opposition — recevrait des indemnités équivalentes à celles de l’opposition. Les deux groupes suivants dans l’ordre selon la taille recevraient des indemnités équivalant à environ la moitié de celles de l’opposition. Les nouvelles indemnités entreraient en vigueur le 1er juillet 2022 et aideraient les partis ou les groupes reconnus à assumer leur rôle consistant à donner leur avis lors des seconds examens objectifs.

Deuxièmement, le projet de loi modifie la Loi sur le Parlement du Canada et apporte des modifications corrélative et connexes à d’autres lois qui autorisent le leader ou facilitateur de chacun des autres partis ou groupes parlementaires reconnus au Sénat à apporter des changements à la composition du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. De plus, tous les leaders doivent être consultés au sujet des nominations des hauts fonctionnaires et agents du Parlement suivants : le conseiller sénatorial en éthique, le vérificateur général, le commissaire au lobbying, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à l’intégrité du secteur public, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire à l’information et le directeur parlementaire du budget.

Tous les leaders devront être consultés au sujet des nominations des sénateurs au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Les nominations de ces hauts fonctionnaires et agents du Parlement sont essentielles pour le bon fonctionnement du gouvernement et, par extrapolation, du pays. Je dois ajouter que le premier ministre a consulté, autant durant la législature actuelle que lors de la précédente, tous les leaders au sujet de ces nominations, même si ce n’était pas prévu par la loi.

Troisièmement, le projet de loi S-4 apporterait des modifications à la Loi sur les mesures d’urgence pour qu’au moins un sénateur de chaque parti siège au comité parlementaire formé en vertu de la loi.

À l’heure actuelle, la Loi sur les mesures d’urgence exige qu’un comité d’examen parlementaire mixte de la Chambre et du Sénat soit mis sur pied pour examiner la façon dont le gouvernement a exercé ses pouvoirs après avoir déclaré une situation de crise. Selon la loi actuelle, le comité doit comprendre au moins un député de chaque parti reconnu à la Chambre des communes et au moins un sénateur de chaque parti représenté au Sénat. En reconnaissant officiellement le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe progressiste du Sénat et le Groupe des sénateurs canadiens, comme le propose le projet de loi S-4, on permettrait à chaque groupe d’obtenir un siège au sein de cet important comité d’examen, le cas échéant.

Enfin, le projet de loi S-4 permettra d’ajouter les titres de représentant du gouvernement au Sénat, de coordonnateur législatif auprès du représentant du gouvernement au Sénat et d’agent de liaison du gouvernement, selon les besoins, pour refléter la structure actuelle du bureau du représentant du gouvernement.

Le projet de loi S-4 prévoit également des indemnités pour cinq postes occupés par les représentants du gouvernement au Sénat et cinq postes occupés par l’opposition, ainsi que pour quatre postes occupés par les représentants de chacun des trois autres partis ou groupes qui comptent le plus grand nombre de sénateurs.

Le Sénat est depuis toujours le produit de la Confédération. La Chambre haute de notre système bicaméral est un pilier de notre démocratie parlementaire. Elle joue un rôle important dans l’étude des mesures législatives et la représentation des régions et des minorités. Le Sénat est maître de ses affaires, et c’est ce qui lui a permis d’adapter ses règles selon l’évolution de ses besoins. Cependant, il ne s’agissait que de solutions ponctuelles temporaires qui ne tenaient évidemment pas compte d’un principe juridique établi depuis longtemps. Le gouvernement a déterminé, à juste titre, que les mesures proposées dans le projet de loi S-4 devaient venir du Sénat. Puisqu’elles portent sur le cadre institutionnel et les processus organisationnels du Sénat, ce sont les premiers concernés qui devraient en discuter et en débattre en premier. En raison de la convention de longue date qui interdit au Sénat de dépenser des fonds publics, le projet de loi S-4 contient une disposition de non-affectation de crédits qui permettrait à ce projet de loi d’entrer en vigueur seulement une fois que les crédits ont été affectés par le Parlement, ce qui explique que nous devions adopter ce projet de loi pour ensuite le renvoyer à l’autre endroit, afin de permettre à la Chambre appropriée de présenter le projet de loi nécessaire pour finaliser les changements.

Pour ceux qui remettraient en question la capacité d’un projet de loi du Sénat de prévoir la dépense de fonds, l’article 17 du projet de loi S-4 définit le mécanisme approprié :

17 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la présente loi entre en vigueur à la date fixée par décret.

(2) Le décret visé au paragraphe (1) ne peut être pris que si, d’une part, le gouverneur général a recommandé l’affectation de crédits pour l’application de la présente loi et, d’autre part, le Parlement a affecté ces crédits.

Le 24 février 2009, le Président Kinsella a défini les grands principes régissant les projets de loi ayant des répercussions financières :

On ne peut certes pas affirmer que tous les projets de loi qui ont des répercussions financières quelconques requièrent nécessairement une recommandation royale. Lorsqu’il est confronté à ces questions, le Président doit examiner le texte même du projet de loi [...] Dans ces situations, le Président cherche à ne pas interpréter des questions constitutionnelles ou des questions de droit.

Le sénateur qui invoque le Règlement doit exposer ses motifs, expliquant au Sénat pourquoi la recommandation royale est nécessaire en prenant soin d’indiquer exactement ce qui, dans le libellé soumis au Sénat, donne lieu à ce rappel, et non en justifiant le rappel par des décisions qui pourraient ou non être prises à un moment donné après l’adoption du projet de loi [...]

Lorsque la situation est ambiguë, certains Présidents du Sénat ont préféré supposer que la question était recevable, à moins d’indication contraire ou jusqu’à preuve du contraire. Ce parti pris en faveur du débat, sauf lorsque la question est clairement irrecevable, est essentiel au maintien du rôle du Sénat en tant que chambre de discussion et de réflexion.

En outre, l’ouvrage La procédure du Sénat en pratique explique ce qui suit à la page 155 :

[...] certains Présidents ont déterminé dans leurs décisions qu’un projet de loi nécessitant normalement une recommandation royale demeure recevable si une disposition de ce projet de loi précise clairement que la loi n’entrera en vigueur que lorsque le Parlement aura attribué les fonds nécessaires.

C’est ce que l’article 17 de ce projet de loi permet.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 est une mesure législative respectueuse. Il vise à assurer le traitement égal de tous les leaders et renforce l’équité accordée à tous les groupes en matière de consultation, notion qui existe déjà en pratique, mais n’est pas concrétisée par la loi. Il reconnaît aussi la nomenclature que les groupes ont choisi d’utiliser. Étant donné que le Sénat a évolué au cours des dernières années, on peut considérer que le projet de loi S-4 reflète cette évolution. Il n’a pas besoin d’être révolutionnaire pour répondre à nos besoins.

Il aura fallu deux législatures pour proposer des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada et pour donner force de loi à de nombreux changements que nous avons nous-mêmes apportés. Le projet de loi S-4 reflète les arrangements que nous avons déjà conclus. Le gouvernement n’impose pas des modifications dans le cadre de ce projet de loi. Le projet de loi est permissif, et non prescriptif, ce qui est conforme à la façon dont nous menons la majorité de nos travaux.

D’ailleurs, notre étude aujourd’hui du projet de loi S-4 n’aurait pas été possible sans une entente entre le représentant du gouvernement et le ministre. Je peux le confirmer personnellement. Le fait que le premier ministre a autorisé l’envoi d’une copie confidentielle du projet de loi à tous les groupes afin que leurs membres puissent réfléchir à son contenu montre que le gouvernement, aux plus hauts échelons, tient à ce que le fonctionnement du Sénat soit multilatéral et moins partisan.

Honorables sénateurs, je demande que le projet de loi S-4 soit étudié promptement. Le Sénat a commencé à demander de tels changements à la loi il y a plusieurs années. C’est dans l’intérêt de tous les sénateurs de faire avancer ce projet de loi pour qu’il puisse être renvoyé à l’autre endroit aussitôt que possible. Nous ne devons pas rater cette occasion.

Certains diront que le projet de loi S-4 ne va pas assez loin. Je ne suis pas d’accord. Il reflète respectueusement le Sénat tel qu’il existe aujourd’hui. À l’heure actuelle, les leaders et les facilitateurs de certains groupes parlementaires ont un statut ambigu, voire aucun statut lorsque vient le temps de fournir des commentaires ou des conseils à propos des nominations gouvernementales, ils n’ont pas le pouvoir législatif pour modifier la composition des comités les plus influents du Sénat et ils doivent compter sur la bienveillance de collègues « reconnus » pour financer et gérer leur groupe et leur personnel de recherche sans allocations. Il faut que cela change, et c’est ce que fera le projet de loi.

Le projet de loi S-4 ne vise aucunement à mettre fin à la réforme et à la modernisation du Sénat. Toutefois, il vise à légiférer les modifications que nous avons nous-mêmes élaborées et mises en pratique. Il reflète le Sénat tel qu’il existe aujourd’hui, et non comme on souhaiterait qu’il soit dans l’avenir. Nous n’allons nulle part et nous aurons la chance de poursuivre la modernisation du Sénat, étant donné que la Loi sur le Parlement du Canada ne sera plus un obstacle à la réforme institutionnelle.

Je soumets ce projet de loi à votre attention. Merci.

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